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Regrets de l’ancienne capitale

Hanoi, la capitale millénaire vietnamienne, chargée d’histoire et dotée d’une beauté paisible, constitue le sujet et la source d’inspiration des poètes et écrivains vietnamiens comme étrangers.
Au début du XIXe siècle, la Cité du Dragon, connue sous le nom actuel de Hanoi, languissait dans ses ruines, vestiges laissés par plusieurs décennies de rivalités seigneuriales, de révolutions de Palais, de révoltes de mercenaires et d’émeutes populaires. Ce qui a inspiré à la sous-préfecte de Thanh Quan ce fameux poème qu’apprennent tous les écoliers vietnamiens à l’école primaire :
«Pourquoi le créateur se plait-il à bouleverser la scène humaine ?
Que d’étoiles ont filé, que de saisons de brume ont passé !
L’âme des herbes d’automne hante les vieilles allées par où passaient les carrosses
Sur les murs des anciens palais flottent les rayons du soir.
Les pierres bravent encore les mois et les années
Mais l’eau frissonne de tristesse et s’émeut de ces changements
Présent et passé se reflètent dans le miroir millénaire
Le spectacle ô combien me déchire le cœur».
L’élégance des filles hanoïennes d’autrefois.
Douce nostalgie de l’ancienne capitale

À la veille du XXIe siècle, des écrivains étrangers - je ne parle pas des poèmes vietnamiens - disent à nouveau leur nostalgie de l’ancienne capitale, mais sur un autre ton. Ils regrettent que plus rien ne reste du charme mélancolique du passé et que Hanoi devienne une cité de plus en plus quelconque à cause de l’invasion du plastique, du ciment et de l’acier. L’écrivaine américaine Lady Boston exprime ainsi sa douce nostalgie de l’ancienne capitale :
«Quand je grandissais à Washington au cours de la guerre froide, je n’avais presque aucune idée de Hanoi. Et aujourd’hui, j’y ai vécu plus de temps que dans le pays de mon enfance. Il y a quelques décennies, quand les rues de Hanoi n’avaient pas encore de signaux lumineux, je pédalais comme le commun des Hanoïens.

Chaque fois que j’enfourchais mon vélo, mes amis vietnamiens retenaient mon guidon pour me recommander de ne jamais regarder à droite et à gauche, pendant mon parcoures afin de prévenir tout accident. Aujourd’hui, je continue à pédaler. Ils répètent les mêmes conseils, mais en pure perte. Les rues ont changé à une vitesse foudroyante. Je n’ai plus envie de jouer au badaud quand sur la chaussée je dois me concentrer fortement pour ne pas me faire écraser.

Quoiqu’il en soit, dans le maelstrom et l’atmosphère pollué d’une ville moderne, il est toujours des moments où je sens la profondeur de la culture et de l’histoire de Hanoi: le parfum léger de fleurs de frangipanier quand je pédale devant une pagode rebadigeonnée, l’arôme de café flottant devant un bistrot faubourien au bord du trottoir, des sacs bigarrés d’épices débordant d’une boutique. J’espère pouvoir trouver quelque chose de ce qui reste de la ville que j’aimais quand tout ce que je servais aura disparu».

La beauté charmante de la capitale vietnamienne est la source d’inspiration pour bon nombre de poètes, écrivains et compositeurs de musique.
L’Australienne Rosemary Morrow, qui a vécu dans plusieurs capitales, fait également une distinction entre Hanoi des années 1980 et celui des décennies suivantes :

«En 1989, je suis venue à Hanoi pour la première fois et je suis tombée amoureuse de la cité et de ses habitants. Ce fut la ville la plus calme à ma connaissance. Les bicyclettes filaient à travers les rues. Pas de pollution et de klaxon de voiture.
Les seuls sons qu’on entende étaient les causettes et les rires d’amis et de membres de famille pédalant côte à côte. Deux scieurs en long sciaient une grosse bille de bois de construction. La nuit, des femmes balayaient les rues avec de longs balais, traçant des demi-cercles en marchant, tandis que des cyclos fonçaient dans l’obscurité. La nuit, les lumières clignotaient à travers les feuilles d’arbre pour percer l’ombre et éclairer les trottoirs. On vivait comme dans un doux rêve. Imaginez un monde sans voitures, sans scooters, sans engins électriques, sans téléphones, surs buildings, mais avec beaucoup de monde et d’activité. Ce serait de la magie! Les lacs étaient des flaques d’argent réfléchissant le ciel».

Telle était Hanoi au fil des années difficiles quand le Vietnam faisait de rudes coupes de collier pour se rétablir sur ses pieds après la longue crise économique de l’après guerre. «Mais, remarque Mme Morrow, en l’espace de quelques années, Hanoi a commencé à présenter au monde ses nouvelles acquisitions».

 Flânerie nocturne à Hanoi.
Hanoi et ses habitants toujours dans mon coeur

La ville fait peau neuve dans le sillage des réformes économiques de 1986, connu sous le nom de Dôi moi (Renouveau). Les rues peu à peu regorgent de produits de consommation courante et d’articles de luxe importés. De nouveaux quartiers voient le jour avec boulevards, buildings à dix étages et plusieurs supermarchés, cafés-concerts, hôtels-restaurants, salles de spectacle… Et naturellement, l’accroissement démographique galopant, les embouteillages, la pollution, Hanoi risque de devenir une ville semblable à toute ville moderne quelconque.

Rosemary Morrow avoue : «Il était un temps où je me sentais riche et coupable pour avoir eu tant de choses concernant le logement, l’argent et les choses matérielles. Aujourd’hui, beaucoup de Hanoïens que je connais en possèdent plus que moi».
Morrow ajoute : «La ville était calme, sûre et amicale. Aujourd’hui, elle l’est toujours. Cependant, elle est plus sale avec la pollution de l’air, meilleure au point de vue sanitaire mais certainement plus bruyante. Ses temples et ses pagodes vous offrent toujours un havre de paix et de sérénité». Elle conclut : «Je reste toujours amoureuse de Hanoi et des Hanoïens. Ils sont dans mon cœur».

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