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Le Vietnam hors du temps

C’est avec un grand plaisir et une vive curiosité que j’ai exploré Le Vietnam - le pays du Dragon bleu. Il m’invitait à redécouvrir, même à découvrir le sens de nombreuses images familières de mon pays. Et cela grâce à l’œil sensible et poétique de l’Autre.

L’Autre, c’est l’auteur des photos et du texte, Martine Aepli. Une artiste qui a toujours le don de nous révéler dans l’ordinaire quelque chose qui nous échappe, qui parle à notre cœur et à note esprit. Photographe française d’origine Corse, Martine Aepli passe la plus grande partie de sa vie en Asie. Elle est éprise de l’Extrême-Orient. Elle s’est fait un nom en 1988 avec la publication de son premier album : La Corée, lumières de l’Orient. Suivent une dizaine d’autres publications asiatiques avec photos et texte de sa facture.

Depuis dix ans, le Vietnam est sa passion. Dans Le Vietnam - le pays du Dragon bleu, elle recueille une centaine de photos saisissantes pour illustrer à travers la vie de tous les jours des traits caractéristiques de la culture traditionnelle du Vietnam de l’Orient. Significatifs à cet égard sont les titres de chapitre : L’Éternité, Le Monde et le sacré, Au fil des Vagues, Visages d’il y a mille ans…Ils disent aussi le désir de Martine de créer une œuvre non pour des touristes en mal d’exotisme mais pour cerner l’âme d’un peuple.
La palanche et le chapeau conique, des images familières de la campagne vietnamienne, font l’objet de beaucoup de photos de Martine Aepli
Le même souci de profondeur humaine habite le prochain album de Martine : Le Vietnam hors du temps qui continue et complète Le Vietnam - le pays du Dragon bleu. Sa caméra laisse de côté la ville moderne, occidentalisée, les sites pollués par la propagande touristique. Elle se concentre sur l’aspect «hors du temps», s’attachant à faire ressortir la vietnamité à travers deux sujets : le peuple et les objets.

Pour cerner l’âme d’un peuple

Le peuple, fidèle gardien des traditions nationales, des gens du peuple avec leurs activités quotidiennes dans la rue : vendeuses ambulantes, artisans, tenanciers d’échoppe, boutiquières, pédaleurs de cyclopousse, transporteurs à pied ou en vélomoteur…Les portraits les plus impressionnants sont ceux de vieux gens en costume traditionnel qui respirent la sérénité d’un autre âge.

L’historien français Fernand Braudel a souligné que les objets de la vie courante représentent l’essence de la civilisation matérielle d’un peuple. Parmi ceux qui figurent dans l’ouvrage de Martine, deux reviennent à plusieurs reprises comme des leitmotivs de la civilisation rizicole vietnamienne, la palanche et le chapeau conique.
Dans l’inconscient collectif vietnamien, le fléau en bambou évoque les travaux et les jours du paysan, ses joies et ses peines. Avec la palanche, on transporte de lourdes charges sur les talus des rizières et les sentiers du village. Elle reste un engin de transport pratique surtout à la campagne, en dépit de la modernisation. Chaque jour, des marchands viennent vendre en ville des palanchées de légumes, de fruits, de viande, de galettes, de vermicelles, de friandises. La palanche et les deux suspensions pour attacher deux paniers. C’est aussi l’image de la fidélité conjugale et le symbole du dévouement de la femme traditionnelle qui devait porter le fardeau familial.
Les portraits les plus impressionnants pris par Martine Aepli sont ceux de vieux gens en costume traditionnel. 
Beauté d’une femme en chapeau conique
Le paysan vietnamien - plus de 70% de la population vit à la campagne - ne peut trouver de meilleur compagnon que le chapeau conique en feuilles de latanier pour se défendre contre le soleil incendiaire et les pluies diluviennes des tropiques. Cette coiffure est entrée dans la romance. Une vieille chanson populaire dit :

«Je passe le pont, j’incline le chapeau conique pour regarder le pont,
Autant le pont a de travée, autant mon cœur est triste.
Je passe devant la maison communale, j’incline mon chapeau conique pour la regarder
Autant la maison communale a de tuiles, autant je t’aime».

Les temps hélas ont changé… De plus en plus, le chapeau conique au charme suranné, notamment en ville, cède la place à des coiffures de toutes sortes venues de l’Occident. Merci, Martine, d’avoir fixé des «instants créatifs» pour nous conserver des images qui vont peut-être disparaître mais qui demeurent «hors du temps» dans notre culture millénaire.
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